Vers l’infini (et au delà)

J’ai remarqué il y a peu que j’avais une grosse affinité pour les univers partagés. Typiquement, ça se voit avec toute la Black Library, avec les longues séries en BD (comme les séries Elfes, Nains, Orcs & Gobelins, Mages, … qui totalisent pour l’instant plus de 90 tomes), Discworld, ou les histoires qui s’essayent à retranscrire l’univers de H.P. Lovecraft. Et d’aussi loin que je me souvienne, j’ai commencé à apprécier la lecture avec Henri Vernes et sa centaine de tomes de Bob Morane.

Mais pourquoi ?

C’est la question que je me suis posé. Parce que j’aime me poser des questions. J’ai envie de dire que quand une histoire est chouette, on n’a pas envie qu’elle s’arrête. C’est vrai aussi, mais c’est un peu réducteur, surtout qu’en matière de lecture, j’ai tendance à toujours me demander où on m’emmène, et à comment on va bien pouvoir finir un truc qui a bien commencé (bien commencer, c’est subtil mais relativement abordable ; bien finir, c’est tout un art).

Mais voilà, prenons par exemple l’Hérésie d’Horus. Pour replacer les choses dans leur contexte, cette histoire est issue d’un jeu de figurine futuriste auquel je jouais il y a presque 30 ans, et où le lore était développée à coup de quelques paragraphes éparses dans les livres de règles. L’hérésie d’Horus, c’était cet élément fondateur de l’univers, où Horus le maître de guerre, se rebelle contre son créateur, l’Empereur, et mène une guerre civile qui déchire l’univers et se solde par la mort de l’un, et la quasi-mort de l’autre. Donc en soi, on sait déjà comment finit cette histoire ; et pourtant, ils en sont à 62 tomes sur le sujet !

J’ai envie de dire que le voyage a plus d’importance que la destination. En partant d’un pitch simpliste (mais qui avait été créé comme ça), les différents auteurs (ils sont une petite douzaine à travailler dessus depuis plus de 15 ans) se sont amusés à détailler chaque petit bout qui avait pu être raconté dans l’un des milliers de paragraphes (oui, parce que le jeu en est à sa dixième édition, et il faut bien compter au minimum une dizaine de bouquins de règles par édition, je pense). Ils se sont aussi amusés à faire des histoires sur chacune des 18 légions, et notamment à montrer comment les plus horribles personnages n’étaient pas *juste des méchants*, mais plutôt des personnes torturées par leur passé, leurs expériences, ou juste au mauvais endroit au mauvais moment. Et comment les gentils pouvaient parfois être de gros cons, voir carrément des tyrans fascistes. En bref, ils ont détaillé l’univers, ils ont apporté de la perspective, et ils ont finalement montré que cette histoire avait plus de profondeur qu’on ne pouvait le croire.

Discworld est un autre bon exemple, où l’auteur a créé une histoire d’heroic-fantasy délirante, sur un monde plat, porté sur le dos de quatre éléphants, eux même portés sur le dos d’une tortue de mer géante. Et au fur et a mesure qu’il rencontrait du succès, chaque livre a approfondi l’un ou l’autre aspect de ce monde, en passant de la condition de la femme à la musique Rock et passant par la création de l’internet, le tout sur fond de nains, de trolls, de magie et d’orang-outan.

J’ai tendance à penser que c’est cette façon de pousser tous les détails imaginables de ces différents univers qui m’attire particulièrement, parce que je suis toujours à me poser plein de questions (Oui, ils ont détruit l’étoile de la mort, et l’empereur est visiblement mort, mais c’est pas pour autant que tous les soldats de l’empire vont disparaître dans le néant, ou juste se rendre, si ?), et c’est aussi une bonne façon de donner de la profondeur à tout un tas de personnages qui, dans un one-shot, se seraient contentés d’un rôle insignifiant. En fait, je crois que ces gigantesques univers partagés me plaisent aussi parce qu’ils ont en commun avec la vie de tous les jours qu’on découvre des choses intéressantes à être un peu curieux et à creuser ce qui nous entoure. Les détails auxquels on n’accorde que peu d’importance peuvent cacher des histoires extraordinaires.

That’s all folks !

Pourtant, je le sais, j’ai un petit problème avec ces gigantesques histoires. Mon problème, c’est la fin. Quelque part, j’ai pas vraiment envie qu’il y ait une fin. Et quand il y en a une, je l’évite généralement. Le meilleur exemple, c’est justement Discworld, qui est fini bien malgré lui, l’auteur étant décédé en 2015. Je procrastine les tous derniers tomes depuis cette époque, justement parce que j’ai pas envie que ça finisse, et qu’une fois que j’aurai tout lu, ça sera définitivement le clap de fin. J’ai pas envie de ça. Je sais que j’ai toujours plaisir à lire ces histoires, j’ai grandi avec ces histoires, j’ai appris de ces histoires, et je leur dois probablement une petite partie de ce que je suis aujourd’hui. J’ai pas envie que ça s’arrête, et ça me paralyse d’imaginer qu’une fois que j’aurai lu le dernier, je ne découvrirai plus rien de cet univers.

Et pour d’autres séries, la fin est parfois une option qu’il vaut mieux éviter. Comme je le disais, faire un bon début, c’est abordable, mais une bonne fin, c’est un art qui nécessite un talent de dingue. Combien de séries j’ai vu finir comme une Tesla en mode auto-pilote ? J’ai arrêté de compter, évidemment, ça n’en vaut pas la peine. Le pire, c’est que je ne blâme même pas les auteurs ; de ce que j’ai vu, c’est plus souvent une baisse des ventes qui pousse l’éditeur à boucler une série plus vite que prévue, et c’est jamais une bonne idée. Il reste aussi parfois des auteurs qui se ratent. C’est d’autant plus frustrant que la série a été bonne sur le long terme, mais qu’elle finisse largement en dessous de ce qu’elle méritait.

Finalement, l’idéal reste des séries comme celles de la Black Library, des séries qui dureront probablement plus longtemps que moi, qui ne finiront probablement jamais. Des collections de livres sur plein d’aspects différents d’un même monde, comme le faisait Discworld, mais rédigé par une équipe d’auteurs, de sorte qu’il y en ait toujours un pour assurer la relève. Il reste que certains auteurs ont un style inimitable, et que les perdre sera toujours une tragédie. Mais à ça il n’y a pas de solution, alors j’en ai fait mon deuil. Et je profite de ce que j’ai, tant que ça dure.

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2 commentaires

  1. Comme je te comprends ! Quand j’étais enfant c’était un déchirement de terminer certains « gros » bouquins qui m’avaient occupée des semaines, Alexandre Dumas, Jules Verne… Tu es fan de Pratchett toi aussi ? Quand je l’ai découvert j’ai été soufflée par le foisonnement et la richesse de son univers, c’est un grand morceau de littérature.
    Dis, peux-tu me dire ce que signifie « lore » ? j’ai vu ce terme dans un roman graphique que m’a prêtée ma belle-fille et je n’ai pas compris de quoi il s’agit. Merci 🙂

    1. En cherchant une bonne définition, je viens de me rendre compte que « lore » est tiré de « folklore »… Et ça pourrait se résumer comme ça.
      Le lore, c’est la trame de fond, c’est toutes les histoires autour du sujet principal, c’est tous les détails, les choses sans importances qui sont tellement importantes, c’est tout ce qui accompagne ton histoire, ce qui gravite autour sans avoir besoin d’en faire partie. Dans mon exemple, ce n’est pas le jeu, mais toute la fiction autour de ce jeu, et les histoires qui y ont amené, c’est l’enrobage fictionnel du jeu.
      Ca te semble plus clair comme ça ?

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