Le vélo et la vie d’adulte

Il y a quelques jours, en rentrant du boulot, j’étais à vélo à un carrefour bien chiant de Strasbourg, le carrefour qui rassemble une entrée/sortie d’autoroute, une entrée/sortie de voie express, et entre les deux, une route pas très fréquentée en dehors du tramway local. Quand on est sur cette route, en fait, on est voué à attendre ledit tram, parce que c’est le seul moment où les feux passent au vert dans ce sens.

Et donc j’arrive à ce carrefour, un cycliste déjà en train d’attendre devant moi, les voitures et les bus qui commencent à s’accumuler sur le côté, et, comme tout cycliste avec un peu d’expérience, j’entends du coin de l’oreille qu’un autre cycliste au moins vient de se poster derrière moi. Et on attend.

Le tram arrive, le feu passe au vert, je me lance et… et je ralentis, parce que le mec devant moi n’est pas un rapide. Je ne tente pas de le doubler parce que les voitures sur le côté passent vite et près, alors je prends mon mal en patience, je lui colle au cul et je roule à son rythme. Le type derrière moi est un pressé, et lui n’a pas peur de passer sous un bus, alors il nous double tous les deux en trombe. Et là, je constate un phénomène étrange : le cycliste qui était devant moi commence à accélérer pour coller au cul de celui qui vient de nous dépasser. C’est un phénomène connu, et auquel je ne suis pas étranger, puisque comme j’étais parti pour coller le cycliste devant moi, j’accélère moi aussi.

Et c’est là qu’une partie de moi-même me dit que non, c’est pas une bonne idée, et que j’ai plutôt intérêt à prendre mes distances avec les deux types qui jouent à qui roule le plus vite. Encore aujourd’hui, j’ai du mal à définir si c’est mon instinct qui me dit ça (après tout, c’est mon instinct qui m’a poussé à accélérer pour suivre la troupe au début), ou si c’est une partie plus consciente de mon cerveau, qui n’a pas jugé bon de se manifester dès le départ.

Toujours est il que trente mètres plus loin, au croisement suivant, le cycliste de tête freine fort pour laisser passer une voiture. Son poursuivant freine en catastrophe, sa roue arrière décolle, il s’explose les couilles sur la barre transversale du cadre, et il n’aura pas fini par terre juste parce qu’il aura pris appui sur son prédécesseur.

C’est là que je me dis que c’est peut-être ce que ça signifie d’être adulte (en partie). C’est de la gestion du risque, en fait. Savoir prendre un peu de recul, au propre comme au figuré.

C’est pas la première fois que ça m’arrive de me sortir d’une situation qui a l’air de mener au carambolage, mais c’est la première fois que je me dis que je l’ai évité parce que je commence à être vieux.

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2 commentaires

  1. Je crois voir de quel carrefour il s’agit ! Parfois je me dis que je suis bien prudente mais ce genre de situation me rappelle vite le pourquoi du comment !

    1. C’est le carrefour du Baggersee. J’ai pas donné son nom parce que je croyais pas avoir beaucoup de locaux dans le coin, bien mal m’en a pris. Et 200m plus loin, il y a le pont où je me suis fait renversé par une voiture la dernière fois. Être cycliste à Strasbourg (et Illkirch), c’est un peu un acte de foi.

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